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Prince des sots Prince des mots

Dernière mise à jour : il y a 3 jours


 

CHEMIN de ROBERT CROGUENNEC
CHEMIN de ROBERT CROGUENNEC

Chemin de Robert Croguennec

Un soir,l’âme du vin chantait dans les bouteilles

(…)

« pour que de notre amour naisse la poésie

qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur »

Les Fleurs du mal Baudelaire, L’ÂME DU VIN

 

A UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait

Longue,mince,en grand deuil,douleur majestueuse,

Une femme passa,d’une main fastueuse

Soulevant,balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble,avec sa jambe de statue.

Moi ,je buvais, crispé :comme un extravagant

(…)

Un éclair… puis la nuit !- Fugitive beauté

Dont le regard m’a fait soudainement renaître

Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard !jamais peut-être !

Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j’eusse aimée,ô toi qui le savais


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Cette gravure flamande de Pieter van der Heyden :L’écaille naviguant d’après Jérôme Bosch,1562

figure avec la suivante dans l’ouvrage paru aux Presses Universitaires de Rennes en 2011 et intitulé La folie création ou destruction? Sous la direction de Cécile Brochard et Esther Pinon.

L’article de Dominique Peyrache-Leborgne nous offre ces deux images et quelques explications pour accompagner le voyage : « L’allégorie religieuse et la facétie ou la caricature plaisante se conjuguent et évitent de donner un aspect trop austère aux sermons. »

Baudelaire Hymne à la beauté

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,

O beauté ?ton regard,infernal et divin,

Verse confusément le bienfait et le crime,

Et l’on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore ;

Tu répands des parfums comme un soir orageux ;

Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore

Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?

Le destin charmé suit tes jupons comme un chien ;

(…)

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer,qu’importe,

O Beauté ! monstre énorme,effrayant,ingénu !

Si ton œil ,ton souris, ton pied,m’ouvrent la porte

D’un infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu,qu’importe?Ange ou Sirène,

Qu’importe,si tu rends,- fée aux yeux de velours,

Rythme,Parfum,lueur,ô mon unique reine !-

L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?

« L’écrivain Sébastien Brant publie en 1494 un long poème pamphlétaire Das Narrenschiff

à l’ iconographie riche dont le succès fut retentissant en Europe ».En allemand le mot masculin Der Narr peut être aujourd’hui traduit par le bouffon, le fou. L’expression einen Narren gefressen haben (an +dat) peut signifier être coiffé de ou être entiché,être engoué pour quelqu’un ou quelque chose ce qui revêt en français un caractère péjoratif. Jemanden zum narren haben signifie se jouer de quelqu’un,une autre expression formée à partir de là existe «  mener quelqu’un par le bout de son nez ».Ce qui est drôle extravagant se dit «  närrisch ».

Le livre de Peter Handke s’intitule en allemand Versuch über den Pilznarren/Essai sur le fou de champignons et la particularité de cette histoire en soi est que le narrateur ne se cherche pas,comme souvent la forme de l’essai s’y prête, mais cherche l’autre en lui-même.Cet autre ,disparu dans la forêt,il le cherche en ami.Celui-ci aimait tant les champignons qu’ il aurait voulu écrire un livre sur cet engouement.Peut-on pour autant déduire de ce titre qu’il s’agit de l’histoire d’un fou,d’un bouffon qui nous est raconté ?Non puisque c’est Peter Handke qui finalement écrit le livre, en quelque sorte par amitié pour ce fou.

Certains universitaires considèrent l’oeuvre de Baudelaire comme un repère une date importante dans le passage à la modernité en France.J’ai choisi quelques vers de CORRESPONDANCES puisque le fou de champignons déroule un peu son fil d’Ariane dans la forêt et qu’on peut imaginer grâce à ce poète celle-ci constituée d’arbres, « de vivants piliers »

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers.

Si les paroles sont confuses le poète au contraire de quelqu’un qui déraisonne essaye de rendre audible une réalité qu’il veut exprimer d’une manière un peu différente. Roland Barthes dans Le bruissement de la langue définit pourtant la littérature en s’appuyant sur une phrase de Baudelaire à propos d’Edgar Poe « elle est le seul élément où puissent respirer certains êtres déclassés »(Des références plus précises seront transmises à l’université ).

On peut pour nuancer l’impact de cette définition ,qui certainement a pu choquer en 1973 ,amener des lettrés à réagir ou à se distancier, ajouter que cette « éminence grise »,ce professeur  admet que « seule l’écriture peut donner au langage une dimension carnavalesque ».

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Cette Barque bleue -Die blaue Schuyte-1559 du même Pieter van der Heyden « reprend le thème médiéval des viveurs licencieux » célébré par le poème De Blauwe Scuut de Jacob van Oestvoren.

Celle-ci me renvoie à l’image d’un« petit bateau qui évolue lentement »regardé par Monsieur Songe avant que «  l’embarcation disparaisse derrière l’ ilôt ».Hors il est bien question aussi d’une « éminence »puisque le mot apparaît dans le texte de ce premier chapitre intitulé LE RETRAITE.Il se termine sur cette phrase « S’il était possible de donner ici quelques lignes pénétrantes sur le passé de Monsieur Songe qui donnerait au personnage un intérêt rétroactif ,pour ainsi dire,ce serait fait. »Hors la tristesse et la colère du narrateur sont perceptibles à la présence d’une altercation avec une bonne.Comment ne pas songer,en tant que lectrice à ces vers extraits de BOUFFONNERIES pour mieux entendre les émotions libérées lors de cette scène au caractère si théâtral qu’elle ressemble à une scène d’exposition .Baudelaire s’exprime au sujet d’un importun, se disant ami de beaucoup d’artistes,un« bavard ».

(…)

M’a dégoisé toute sa vie ;

J’en ai le cerveau consterné

S’il fallait décrire ma peine,

Ce serait à n’en plus finir ;

Je me disais, domptant ma haine :

« au moins ,si je pouvais dormir ! »

En exergue de l’écriture du titre de ce premier chapitre en dessous à droite figure une inscription «  J’aurai dormi  » signée «  Monsieur Songe » 

Ce vers et cette inscription pourraient se répondre et nous interpellent.Roland Barthes a publié en 1967 un texte intitulé La Mort de l’auteur.Et si Monsieur Songe ,au lieu d’être un auteur mort, faisait tout simplement semblant de dormir ?Comme on ferait un pied de nez pour exister ou se sentant méprisé pour entrer en résistance.

Un Roland Barthes par Roland Barthes est publié et alors que certains écrivains dont Nathalie Sarraute ou Robert Pinget trouvent difficilement leur public.Les conférences de cette « éminence grise », de mieux en mieux reconnue par les institutions ,attire du monde. La publication des ouvrages des écrivains n’est possible qu’en passant par des intermédiaires et les oblige.Ainsi Robert Pinget dans une lettre à un éditeur, se comparait à quelqu’un qui « fait sa tête de cochon »tant les négociations menées par Alain Robbe-Grillet avec les éditions de Minuit étaient tendues.(Robert Pinget La fabrique d’un monde d’Agapa à Sirancy,Ed Jean-Michel Placé ).

Raymond Cousse,lui, termine son récit argumenté,sa Stratégie pour deux jambons par ces mots « j’aurai vécu ».

Comment Peter Handke(né en 1942) et Raymond Cousse(né en 1942) pourraient être aussi à leur place dans ce fauteuil que Robert Pinget(né en 1919) a façonné ? : celui de Monsieur Songe

Le dire,le montrer sur un plan littéraire,est l’objet de ma comparaison de ces récits.

Je souhaite en ce jour, avoir une pensée agréable pour Madame Alain Robbe-Grillet.

Georges Pérec en ouverture d’Un homme qui dort cite un passage de Franz Kafka (dont on fête le centenaire de la naissance) tiré des Méditations sur le pêché,la souffrance,l’espoir et le vrai chemin :

« Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison.Reste à ta table et écoute.N’écoute même pas attends seulement;n’attends même pas sois absolument silencieux et seul.Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques,il ne peut faire autrement,extasié,il se tordra devant toi. »

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  Ce fauteuil est situé à Runan près de l’eglise st Jorand et du lieu dit Belle Eglise.Mon grand-père ,René Cohignac,vécut non loin mais mon bon papa,Pierre Forray, décédé quelques semaines après ma naissance vécut lui  à Rueil et à Carrières sur seine où il est enterré.



 
 
 

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