L’oeuvre de Maryse Jacq… une continuité à coeur ouvert.
- lecirquedesmots
- 15 juil.
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L’Atelier Perché est un lieu emblématique de Pontrieux. Depuis la Place de la Liberté, l’entrée se fait en passant sous le porche menant au jardin de la passerelle. Grimpons ensemble l’escalier, pas à pas, en nous tenant à la rampe de bois. Les lavandières frottaient et battaient le linge, nous levons nos genoux ! Après un effort d’ une douzaine de marches, pénétrons l’antre de Maryse Jacq. Une belle surprise à deux pas de l’embarcadère ! N’ayons pas peur de nous laisser impressionner par des compositions sauvages minutieusement agencées. Ces peintures interpellent aussi bien par leur texture singulière que par les éléments graphiques qui se jouent des apparences auxquelles nous sommes accoutumés. L’ambiance est feutrée. L’artiste apprécie la littérature. Ces quelques strophes de «Paroi», tracées par Eugène Guillevic dans L’Art poétique , accompagnent notre visite
Quand je suis seul, Je parle. | Ne me demande pas Ce que je dis | Peut-être je te le dirai Si je savais. | Mais si je le savais, Je n’aurai plus sans doute Ce besoin de te parler. |
Des spirales inachevées suggèrent des fossiles, des ovales arrondis ressemblent à nos yeux ou évoquent des regards. Là un peu de sable, ici des racines, ailleurs du papier mêlé à la peinture donnent aux surfaces un relief parfois ourlé, souvent animé de légers mouvements. Aucun de ces composants, pourtant, n’apparaît disparate. L’agencement ici recrée un paysage sans le magnifier. En nous attardant un peu nous nous imprégnons d’un univers minéral. Des tons ocres nous amènent à parcourir des chemins caillouteux. En tenant les pierres dans nos mains, celles-ci nous révèlent un peu de l’intérieur de ce monde, des matériaux sur lesquels il est bâti et dont nous sommes constitués.
Nous reconnaîtrons-nous en lisant Les Rocs dans «Terraqué» (Guillevic) ?
Ils ne le sauront pas les rocs,Qu’on parle d’eux. Et toujours ils n’auront pour tenirQue grandeur Car jamaisIls n’ont craint la mort. Et leur folieEst clairvoyante. | De la peurIls ont fait un hôte. Ils n’ont pas à porter leur faceComme un supplice Ils n’ont pas à porter de faceOù tout se lit. La danse est en eux,La flamme est en eux,Quand bon leur semble. |
Dans les toiles du peintre, des nervures de feuille témoignent de l’automne, puis prolongent celui-ci par la juxtaposition de surfaces aux couleurs contrastées. Les teintes sombres observées à l’extérieur retiennent la chute de l’été. Elles sont venues s’abriter sous ce grenier et la main de l’artiste les déploie sur les parois. L’hiver s’installe progressivement… Des orangés très lumineux ne dessinent aucun soleil mais restituent toute la clarté venue de ciels flamboyants.
Permets-moi De te dire ce que je pense : | Et ce sont celles Du mur, de cette paroi | Et voilà que te caressent Comme des mains. |
Cette alchimie à partir du vécu, des randonnées et des voyages, est splendide. Les formes en zig-zag, font se rencontrer des couleurs chaudes et des couleurs froides. Les contours ne les séparent pas, elles les mettent en valeur ensemble. L’autonomie de chacun des composants étant préservé, ils rayonnent dans une même dynamique. Cette plénitude s’exprime d’autant mieux que l’espace libéré autour du mur de support sera vide.
Paroi qui n’est peut-être faite que de l’absence. Car tout est là
Les formes parlent aux couleurs mais ce qu’elles racontent reste un mystère. Les paroles des lavandières se sont envolées; leurs gestes étaient répétitifs. On reviendra autant de fois qu’on voudra faire face à la beauté de ces fragments de vie.
Ce qui sépare Pourtant la paroi ,la tienne Le jour de la nuit Est plus consistante,plus épaisse, Bien plus abrupte A peine une membrane C’est peut-être elle qui parle
Pour l’autre côté
Ou pour celui-ci
Au nom de l’un
Au nom de l’autre

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